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Le réseau d’enseignement français à l’étranger mérite un engagement collectif - Samantha Cazebonne


Paris le 28 novembre 2017,


L’enseignement français à l’étranger, comme certains le savent déjà, est pour moi extrêmement important et fait partie intégrante de mon engagement en tant que députée. Je n’y ai pas consacré vingt-trois ans, dont six en tant que proviseure à l’étranger, pour aujourd’hui ne pas me sentir concernée par son avenir. Mes enfants sont scolarisés dans ce réseau alors, qu’on ne s’y trompe pas, je lui souhaite, comme tout parent, le meilleur. Je pense que nous avons tous la même volonté : la pérennité et le développement du réseau dans les meilleures conditions possibles.


Annulation des crédits sur le budget 2017


J’ai constaté avec regret, comme toutes les personnes concernées, l’annonce en juillet dernier de la réduction de 33 millions d’euros des crédits de l’AEFE. Il est cependant fondamental d’expliquer l’origine de cette mesure. Sollicitée par le Premier ministre pour réaliser un audit des finances publiques, la Cour des comptes a souligné l’insincérité inédite du budget 2017, voté sous la précédente législature (https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-situation-et-les-perspectives-des-finances-publiques-0). Un effort collectif imprévu s’est avéré nécessaire et la réalisation d’économies à tous niveaux s’est imposée. Ceci s’est traduit dans tous les ministères par une baisse drastique de leurs budgets.

Si je peux comprendre les inquiétudes ressenties et exprimées, je m’étonne néanmoins que la surprise soit si grande aujourd’hui. Ces dernières années, de nombreux signaux d’alerte auraient dû permettre d’anticiper le fait que des déficits ne pouvaient indéfiniment se combler sur des fonds de réserve, sans les voir un jour se tarir. A la lecture des différents rapports publics, et ils sont nombreux, (parlementaires, Cour des comptes, conseillers consulaires de l’AFE de toutes tendances politiques, inspecteurs de l’éducation nationale) comment ne pas penser aujourd’hui à une responsabilité collective ? Il est certes beaucoup plus simple de désigner comme responsables le nouveau gouvernement et sa majorité parlementaire, et de détourner ainsi l’opinion d’une réalité qui interpelle depuis un certain temps déjà.

Par ailleurs, je lis dans de nombreux courriers récents que des postes seront « fermés » par l’AEFE au cours des prochaines années. Je regrette que l’on profite de cette situation pour orienter l’interprétation des familles et pour laisser penser en parlant de suppression qu’il manquerait 180 personnels face aux élèves à la rentrée prochaine. Cela m’aurait paru moins orienté d’écrire : « la charge financière de X postes reviendra à certains établissements en gestion directe (EGD) ». A ma connaissance, il ne manquera aucun enseignant devant les élèves à la rentrée prochaine.

Si je regrette que des établissements voient leur masse salariale et leurs contributions augmenter, il semble que pour les établissements « ciblés » par l’AEFE cela ne remette en question ni leur solvabilité ni même la qualité de leur enseignement.

Il revient à l’Agence de veiller désormais à ce que les frais d’écolage ne soient pas ou très peu impactés et à nous, parlementaires, de le contrôler. J’espère que les choix de postes ne toucheront pas les disciplines en tension lorsqu’il s’agit du personnel enseignant.


L’engagement des députés de la majorité représentant les Français établis hors de France


Mon rôle aujourd’hui, avec l’ensemble de mes collègues députés Français établis hors de France de la majorité, sur lesquels je sais pouvoir compter, est de nous engager à défendre le budget de manière pérenne tel qu’il est présenté en 2018, d’assurer notre devoir de contrôle, de garantir la viabilité du réseau, et de rechercher des solutions de long terme avec l’ensemble des acteurs, tout en accompagnant leur mise en œuvre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons interpelé le ministère des Affaires étrangères pour trouver des solutions au blocage dans huit pays de 69 millions d’euros qui manquent au budget de l’AEFE. Par ailleurs, dès l’annonce des coupes budgétaires, nous avons sollicité un engagement du Président de la République à préserver, à l’avenir, le budget de l’AEFE et, à travers lui, l’enseignement français à l’étranger, l’éducation française et l’enseignement du français. Si le Projet de loi de finances 2018 a répondu à nos attentes et a même permis de voir augmenter de 2 millions d’euros le budget de l’AEFE avec un budget de 498 millions d’euros, cette somme aussi sanctuarisée que possible ne permettra pas de répondre au déficit structurel alimenté par le différentiel entre les subventions et le coût réel des pensions civiles, par l’augmentation de la masse salariale, par les besoins en investissements immobiliers, sans compter qu’il faudra faire face à une demande de plus en plus croissante de nombreux élèves qui ne sont pas encore scolarisés dans le réseau.


Les parents méritent qu’on défende l’école de leurs enfants et les enseignants leurs intérêts et leur investissement, mais si dans le même temps nous continuons de penser que c’est à l’Etat de combler éternellement les déficits, sans aucune remise en question, si nous considérons que les parents sont de simples usagers qui ne méritent pas d’être des parties prenantes et si nous pensons que nous n’avons pas à rechercher de nouvelles solutions pour développer notre réseau, ne sommes-nous pas tout simplement en train de condamner notre modèle ?


Je ne peux me résigner à croire que ce modèle ne peut définir pour lui-même des objectifs encore mieux adaptés aux nouveaux enjeux. S’y résoudre serait contribuer à sa détérioration. Je ne peux pas croire non plus que toutes les parties prenantes ne puissent se retrouver pour redéfinir les enjeux, les moyens et les évolutions nécessaires dans les années à venir. Les écoles internationales sont prêtes à saisir l’opportunité de se substituer à nous, alors nous devons réagir, nous réunir et, ensemble, acteurs de l’éducation, nous mettre à réfléchir au modèle de demain et à planifier des objectifs sur les 5 ans, voire 10 ans à venir, pour le remettre à plat.


Le programme de bourses scolaires


Concernant les bourses scolaires, il parait évident que nous devrons nous adapter au nouveau contexte. Siégeant à la Commission nationale des bourses, je serai attentive à ce que les familles impactées par ces décisions ne pâtissent pas de cette situation. Il ne sera pas tolérable de faire des économies sur cette enveloppe budgétaire, elle devra même certainement dans l’avenir être revue à la hausse si nous souhaitons garantir la mixité sociale indispensable au respect des valeurs d’égalité et de solidarité qui sont les nôtres. J’ai déjà, avec mes collègues parlementaires, dénoncé ce qui aurait pu être à terme une injustice et nous avons été entendus. Les bourses permettant le financement de postes d’accompagnants pour les élèves relevant d’un handicap étaient ponctionnées sur l’enveloppe des bourses scolaires. Désormais, le montant des bourses prenant en charge le handicap sera pris sur une autre ligne budgétaire du programme 151. Je serai également vigilante à ce que les établissements qui n’ont pas de raisons valables d’augmenter leurs frais d’écolage ne viennent pas pénaliser l’enveloppe globale des bourses. Ma fibre sociale et ma défense des valeurs de solidarité m’amèneront à ma battre pour défendre ce budget des bourses, un des seuls leviers de mixité et de justice sociale que nous ayons à notre disposition.


Et maintenant ?


A l’occasion du vote du budget de l’AEFE, lors du Conseil d’administration du 27 novembre 2017, j’ai fait le choix de m’abstenir pour plusieurs raisons : si ce budget est indubitablement tributaire du contexte particulièrement difficile, il est malgré tout le budget de la continuité. Sans mesures particulières ce budget nous conduira l’an prochain à nous retrouver, je le crains, dans une situation quasi-identique, avec les mêmes problématiques, même s’il sera alors revu à la hausse pour atteindre 498 millions d’euros. Si nous ne nous mettons pas à réfléchir aux propositions reprises depuis cinq ans par tous ceux qui ont auditionné les acteurs de ce réseau, les mêmes causes produiront les mêmes effets.

A nous de nous engager individuellement et collectivement en bonne intelligence pour nous faire entendre haut et fort. À nous de soutenir la nécessaire prise de conscience que l'enseignement français, l'éducation française et l'enseignement du français à l'étranger doivent être défendus contre toute nouvelle tentation de coupes budgétaires mais aussi de nous questionner sans tabou sur l’avenir de notre réseau et sur son fonctionnement.


Mon engagement et ma détermination sont clairs pour défendre avec exigence l’éducation et l’enseignement français à l’étranger, tout en gardant à l'esprit que notre modèle doit trouver un équilibre entre justice sociale et reconnaissance de l'investissement individuel ou collectif mis au service des élèves et de leurs familles. Concept de reconnaissance bien souvent malmené par notre fonctionnement institutionnel qui a bien du mal à reconnaître ou valoriser l'engagement humain et qui, au nom d'une soi-disante équité de traitement se veut assez souvent être une réelle injustice. Il y a de vraies causes sociales à défendre pour les personnels, pour les familles mais in fine dans l'intérêt supérieur des élèves que nous recherchons tous.

Samantha CAZEBONNE

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